TNTV : Cette campagne débute lundi pour deux semaines. Comment va-t-elle se dérouler concrètement ?
Laurence Rochat Stettler : « Il y aura un volet de distribution de médicaments dans toutes les écoles de l’île, par les équipes de la Direction de la santé. Et l’après-midi, il y aura une dizaine de stands installés tout autour de l’île, dans des endroits de fréquentation élevée, où les gens pourront venir à des horaires précis. Globalement, c’est l’après-midi entre 15 et 19 heures, en jours de semaine. Sur le jour férié et les samedis, ce sera le matin entre 8h et 12h. Et il y aura quelques actions également le dimanche matin, tôt, dans des magasins qui drainent beaucoup de monde à ce moment-là ».
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TNTV : Pourquoi cette nouvelle campagne était nécessaire ?
Laurence Rochat Stettler : « Cette nouvelle campagne s’inscrit dans un programme de l’Organisation mondiale de la santé. L’OMS chapeaute le programme global d’élimination de la filariose lymphatique, qui est une maladie qui touche la région océanienne, mais aussi d’autres régions du monde. Le programme de l’OMS propose de faire deux campagnes de distribution de masse. Et si les campagnes sont réussies, de passer ensuite à des enquêtes de surveillance dans la population, par des échantillons de sang dans lesquels on va regarder si les personnes sont porteuses de la maladie ».
TNTV : Savez-vous combien de personnes sont atteintes par la filariose en Polynésie ?
Laurence Rochat Stettler : « On avait vu, entre 2023 et 2024, une augmentation importante de nouveaux cas sur l’île de Moorea, ce qui nous avait conduit à prendre la décision de partir pour une campagne de distribution de médicaments. Ce sont des chiffres qu’on constate également sur d’autres archipels de la Polynésie. Il y a clairement une augmentation des cas ces dernières années ».
TNTV : Quels effets la précédente campagne avaient produit au niveau des populations ?
Laurence Rochat Stettler : « Si l’on prend les chiffres de Moorea, on a vu que l’impact a été important. Avec déjà une campagne, on a réussi à casser la courbe. Le nombre de nouveaux cas est devenu très faible. Il était même à zéro. Récemment, j’ai eu deux notifications de deux nouveaux cas sur Moorea, mais on voit que nos actions sont efficaces puisque le nombre de nouveaux cas sur Moorea avait quasiment disparu après la campagne ».
TNTV : Quels sont les symptômes de la filariose lymphatique ?
Laurence Rochat Stettler : « Ce n’est pas toujours facile parce que la filariose lymphatique n’est pas toujours une maladie qui a des manifestations cliniques. On peut être infecté soi-même, on peut infecter son entourage, sans se sentir malade. Dans la plupart des cas, c’est cette situation-là. Maintenant, les symptômes les plus courants, ça sera une tuméfaction, un gonflement, un œdème, souvent au niveau des jambes, au niveau des membres supérieurs, parfois pour les hommes au niveau des testicules, parfois au niveau des femmes ou des hommes aussi, des gonflements au niveau de la poitrine. Ce sont des signes d’alerte qui font penser à la filariose ».
TNTV : Quelles sont les complications que peut apporter la filariose ?
Laurence Rochat Stettler : « C’est une maladie parasitaire. Donc, pour reprendre un peu en amont le cycle, c’est un moustique qui transmet une larve de ce parasite qui va se développer dans le système lymphatique, notamment des gros vaisseaux des membres inférieurs, et qui va obstruer les vaisseaux lymphatiques. La lymphe va sortir des vaisseaux, et c’est ce qui explique en fait ces jambes qu’on appelle l’éléphantiasis. À savoir que lorsque la jambe est déjà très grosse, que le système lymphatique est très remanié, c’est aussi des portes d’infection qui ensuite entraînent des détériorations encore plus importantes des tissus. Ça peut conduire à des situations stigmatisantes, où la personne non seulement physiquement est handicapée, mais aussi socialement, psychologiquement. Ce sont des situations qui sont difficiles à vivre ».
TNTV : La prise n’est pas obligatoire. Comment faire pour que le maximum de personnes se sentent concernées ?
Laurence Rochat Stettler : « On a fait une campagne de sensibilisation avec des bandes dessinées dans les écoles, qui ont été diffusées dans toutes les écoles de l’île de Moorea. Il y a eu une campagne d’affichage sur les réseaux sociaux, par la radio, par la télévision. Donc, c’est important que la population soit informée, c’est aussi important que les gens parlent de ces actions, parlent entre eux, parlent aussi avec nous. On sera déployés pendant deux semaines sur l’île, et nos points de distribution de médicaments sont aussi des points où on peut venir chercher des informations, discuter avec nous pour avoir plus d’informations sur la maladie ».



