« Personne ne peut prouver si la dissuasion nucléaire fonctionne ou pas »

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Le directeur de la campagne ICAN France était l’invité du journal de TNTV, ce lundi soir. Jean-Marie Collin est en Polynésie pour mobiliser les élus du fenua afin d’obtenir de la France la ratification du traité sur les interdictions des armes nucléaires. « En cas de guerre nucléaire en Europe ou à travers le monde, la Polynésie française en subira les conséquences, qu'elles soient alimentaires, qu'elles soient économiques, qu'elles soient de migration », explique celui-ci qui estime que la doctrine de la dissuasion nucléaire « ne procure ni paix, ni sécurité ». Interview.

TNTV :  Quel était l’objectif principal de votre venue au Fenua ?

Jean-Marie Collin : « L’objectif principal, c’est d’expliquer le traité sur l’interdiction des armes nucléaires et la nécessité que l’on entende la parole des élus polynésiens sur la question de l’interdiction de la bombe. La parole polynésienne, on l’a beaucoup entendue et on doit encore l’entendre sur la question des conséquences des armes nucléaires, mais on a besoin de l’entendre aussi sur l’interdiction de cette arme pour éviter qu’à nouveau on ait de telles conséquences ». 

 

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TNTV : Vous avez rencontré plusieurs élus locaux. Qu’avez-vous voulu leur faire passer comme message ? 

Jean-Marie Collin : « Ce message-là, que même ici en Polynésie, ils peuvent être victimes des armes nucléaires en cas de guerre nucléaire en Europe ou à travers le monde. La Polynésie française en subira les conséquences, qu’elles soient alimentaires, qu’elles soient économiques, qu’elles soient de migration et donc de la nécessité de s’emparer de ce traité sur l’interdiction des armes nucléaires en leur proposant de signer un engagement, un appel des villes pour soutenir ce traité que l’on a mis en place ».

TNTV : Pourquoi est-ce essentiel aujourd’hui selon vous ? 

Jean-Marie Collin : « C’est encore plus essentiel aujourd’hui puisqu’on ne cesse de nous parler de risques de guerre nucléaire à travers le monde. Il y a encore des nouvelles informations par rapport à un nouveau missile qui a été mis en place par la Russie, mais la France modernise son arsenal nucléaire. Un arsenal nucléaire créé grâce à des conséquences humanitaires que la Polynésie ou l’Algérie connaissent bien. On doit comprendre que les armes nucléaires, ce n’est pas quelque chose de positif. C’est un vrai problème aujourd’hui pour la société, pour la Polynésie, pour le reste du monde et il faut donc l’interdire globalement et avec l’aide des élus polynésiens ». 

TNTV : La France refuse de signer ce traité tout en reconnaissant des victimes, ici, en Polynésie. Pour vous, c’est un double langage, est-ce vraiment une contradiction ? 

Jean-Marie Collin : « Oui, c’est une vraie contradiction puisque effectivement, on a une loi Morin qui a été obtenue grâce au travail des associations, il faut le rappeler, l’association de Moruroa e Tatou, de l’AVEN en France notamment, de l’Observatoire des armements, de Bruno Barillot qui ont aidé à la création de ces lois. Ça a poussé le gouvernement français à créer une loi. On reconnaît ces victimes avec un ensemble de difficultés, mais sur le plan international, la France ne veut pas voter en faveur de résolutions qui reconnaissent ses victimes. C’est là où on a un double jeu, on a un double discours, et c’est directement une offense à ses victimes ».

TNTV : Le contexte international est très tendu, notamment avec la Russie, dans ces conditions les grandes puissances peuvent-elles vraiment renoncer à l’arme nucléaire ? 

Jean-Marie Collin : « La question, ce n’est pas, peuvent-elles, mais quand elles vont réaliser ce désarmement nucléaire. Elles sont obligées de le faire. Il faut bien comprendre encore une fois que les armes nucléaires n’ont rien de positif. C’est comme si vous aviez un bâton dynamite dans votre main toute la journée, à un moment celui-ci peut exploser pour différentes raisons. Jusqu’à présent, nous avons eu de la chance, on peut parler de la crise de Cuba par exemple. Cette chance ne va pas durer éternellement et il est donc nécessaire que l’Etat français s’engage dans ce processus et pour ça on a besoin de la parole des élus de Polynésie française en leur demandant notamment de participer à la prochaine conférence du traité sur l’interdiction des armes nucléaires en tant que délégation parlementaire officielle ». 

TNTV : Pour certains, la dissuasion nucléaire protège justement de la guerre, elle empêche son usage. Que dites-vous à ceux qui jugent qu’y renoncer affaiblirait la France ? 

Jean-Marie Collin : « En réalité, la dissuasion nucléaire, c’est une théorie. Personne ne peut prouver si la dissuasion fonctionne ou si elle ne fonctionne pas. Nous avons des cas où des états nucléaires se sont fait la guerre, on peut penser à l’Union soviétique et la Chine, on peut penser également à l’Inde et au Pakistan bien évidemment, à des états qui n’ont pas d’armes nucléaires qui attaquent des états nucléaires. En réalité, ça ne procure ni paix ni sécurité, mais au contraire une insécurité totale avec encore une fois des risques qu’ici les gens de Polynésie connaissent très bien ». 

TNTV : Le dernier rapport du CIVEN montre qu’il y a davantage de dossiers de demandes d’indemnisation déposés. Comment l’expliquez-vous ? 

Jean-Marie Collin : « Je dirais heureusement et tant mieux. Près de 15 ans après la création de la loi Morin, on a un petit peu plus de dossiers, des dossiers qui sont surtout dus au résultat du travail des associations qui ont réalisé véritablement une sorte de porte-à-porte auprès des différents villages et des différentes villes. L’État français a aussi mis en place une mission qui s’appelle ‘Aller vers’, qui porte bien son nom, mais ce sont quand même des actions qui sont réalisées très longtemps après la mise en place de cette loi. Donc on peut espérer qu’il y ait encore plus de personnes qui puissent déposer des dossiers, mais surtout qui puissent être reconnues comme victimes des armes nucléaires françaises ».

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