Nicolas Sarkozy est en prison, une première historique

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L'ancien président Nicolas Sarkozy a été incarcéré mardi, près d'un mois après sa condamnation pour association de malfaiteurs dans le procès libyen, une détention inédite dans l'histoire de la République.

Il va y rester « un minimum de trois semaines ou d’un mois », a dit son avocat Christophe Ingrain devant les portes de la prison parisienne de la Santé. La cour d’appel de Paris a deux mois pour statuer sur la demande de mise en liberté déposée après l’incarcération. 

« Une première journée en prison, c’est terrible, mais il l’a surmontée », a déclaré en début de soirée son autre avocat, Jean-Michel Darrois, après une première visite à son client au parloir où l’épouse de l’ancien chef de l’État, Carla Bruni, s’est également rendue.   

Le Brésilien Lula ou le Sud-Africain Jacob Zuma ont dormi en prison après avoir quitté le pouvoir. Mais ce n’était arrivé à aucun ancien chef d’État de l’Union européenne.

Nicolas Sarkozy, 70 ans, a été incarcéré au quartier de l’isolement de la prison, et deux officiers de sécurité ont été installés dans une cellule voisine de la sienne.

« Il n’est pas question de prendre le moindre risque concernant la sécurité d’un ancien président », a expliqué une source proche du dossier.

Salué par les vivats de ses supporters quand il a quitté son domicile de l’ouest parisien vers 09H15, l’ancien président est arrivé une vingtaine de minutes plus tard à la Santé, après avoir été suivi par une noria de motos. 

« Libérez Sarkozy ! »

Nicolas Sarkozy et sa femme Carla Bruni-Sarkozy, quittant leur résidance pour se rendre à la prison de La Santé. Crédit : JULIEN DE ROSA / AFP

« Oh bienvenue Sarkozy ! », « Y’a Sarkozy ! », ont crié ses codétenus. « Il est rentré, il a salué les personnes qui l’attendaient pour exécuter les formalités de la détention » au greffe, a raconté son avocat. 

Avant de monter dans sa voiture, Nicolas Sarkozy, accompagné de Carla Bruni, avait salué ses partisans, qui ont entonné la « Marseillaise ». « Libérez Nicolas ! », a scandé la foule. 

L’ex-président a enlacé ses proches, serré des mains et fait poster un message sur ses réseaux sociaux : « La vérité triomphera », « ce n’est pas un ancien président de la République que l’on enferme ce matin, c’est un innocent ». 

Nicolas Sarkozy bénéficiera-t-il en détention de dérogations ? L’ancien président « n’a rien demandé, pas de traitement de faveur » en ce moment « très dur », a insisté Me Ingrain. Son confrère Darrois a précisé qu’il était installé dans une cellule de 9 m2, taille standard à la Santé.

Selon son conseil, Nicolas Sarkozy aura « une heure de sortie par jour dans une cour grillagée, seul », le reste du temps, il sera « enfermé en cellule », sans contact avec les autres détenus. Il bénéficiera de « trois droits de visite par semaine de sa famille ». 

L’ex-chef de l’État compte aussi écrire sur cette expérience. Se comparant à l’innocent emprisonné le plus célèbre de l’histoire de France, Alfred Dreyfus, il a confié entrer en prison avec une biographie de Jésus et « Le Comte de Monte-Cristo », roman d’un homme qui se venge après une condamnation injuste.

« La haine »

Le 25 septembre, le tribunal correctionnel de Paris avait condamné à cinq ans de prison l’ancien président, reconnu coupable d’avoir sciemment laissé ses collaborateurs rencontrer à Tripoli un dignitaire du régime de Mouammar Kadhafi pour discuter d’un financement occulte de sa campagne présidentielle de 2007, alors qu’il était ministre de l’Intérieur. Nicolas Sarkozy a fait appel et un nouveau procès devrait être organisé avant l’été.

Plus que la condamnation, c’est le mandat de dépôt l’envoyant en prison qui avait suscité la stupeur. Pour les juges, il est justifié par la « gravité exceptionnelle » des faits. Pour Nicolas Sarkozy, il a été motivé par « la haine ».

Ce critère de la gravité des faits de nature à « troubler l’ordre public » ne pourra pas être retenu dans l’examen de la mise en liberté de Nicolas Sarkozy, replacé par son appel dans la situation d’un innocent présumé. 

Son maintien en détention n’est désormais possible que si elle est l' »unique moyen » de conserver les preuves, d’empêcher des pressions, des concertations entre auteurs, de prévenir une fuite ou une récidive, ou de le protéger. Sinon, Nicolas Sarkozy devra être remis en liberté sous contrôle judiciaire, le cas échéant en l’assignant à résidence avec un bracelet.

« Pression sur la justice »

Ancienne figure tutélaire de la droite française, toujours régulièrement consulté par ses chefs, Nicolas Sarkozy a reçu le soutien de son camp, prompt à s’offusquer du mandat de dépôt avec exécution provisoire.

Prononcé de manière routinière, bien que plus rarement dans les dossiers économiques et financiers, il serait attentatoire à la présomption d’innocence, puisqu’il entraîne une détention sans recours possible et sans attendre l’appel.

Même si l’incarcération de Nicolas Sarkozy s’est faite sur la base d’une mesure pénale votée en 2019 à l’initiative de sa majorité, le président de la République Emmanuel Macron a jugé le « débat légitime dans une démocratie, parce que tout le monde souhaite qu’il puisse y avoir des voies d’appel et de recours ».

Vendredi, il avait reçu Nicolas Sarkozy. Un rendez-vous qui relève de la « pression sur la justice », a accusé le patron du PS, Olivier Faure.

Fustigée à droite, cette incarcération avait toutefois été estimée « juste » par une majorité des personnes interrogées (61%) dans un sondage réalisé fin septembre.

Proche de Nicolas Sarkozy, le ministre de la Justice Gérald Darmanin a lui défendu sa volonté d’aller le voir en prison, un « devoir de vigilance » pour « s’assurer de la sécurité » de l’ex-chef de l’État. Cela « n’atteint en rien à l’indépendance des magistrats », a-t-il assuré.  

Le ministre répondait au plus haut procureur de France, Rémy Heitz, pour qui une telle visite serait de nature à poser un « obstacle à la sérénité » de la justice et à porter « atteinte à (cette) indépendance ».

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