Mihiroa Ariitai, la Vahine Taro qui fait renaître la terre familiale

Publié le

Sur les terres marécageuses de Papara, là où le taro pousse avec fierté, Mihiroa Ariitai incarne une nouvelle génération de femmes agricultrices. À la tête de sa société Vahine Taro, elle cultive bien plus qu'un tubercule : elle fait vivre un héritage, une identité et un message fort sur la place des femmes dans l'agriculture polynésienne.

« Ia ora na, je me présente : Mihiroa Ariitai. Je suis agricultrice vivrière. » C’est ainsi que Mihiroa débute son récit, simple, direct, enraciné. La terre qu’elle travaille est familiale. « Cette terre-là, c’est une terre qui appartient à mon papa. Mes parents cultivent du taro depuis presque 30 ans. Et aujourd’hui, j’ai décidé de reprendre la culture. »

De l’administration au fa’a’apu : un retour aux sources

Longtemps, Mihiroa n’avait pas envisagé de revenir à la terre. « Quand j’étais jeune, je me suis dit que jamais, je ne ferais ce métier, » explique-t-elle. Diplômée, elle s’était orientée vers l’administration. Mais après plusieurs contrats précaires, le fa’a’apu est revenu la chercher. Elle raconte : « un matin, je suis venue voir mes parents. J’ai vu ma mère dans le fa’a’apu, et ça a été un déclic. Je me suis dit : pourquoi aller chercher du travail ailleurs alors que le travail est juste là ? « 

Ce retour n’est pas seulement professionnel, il est aussi identitaire. « C’est dans ce métier que j’ai ressenti mon utilité. Quand tu vends ton produit et que tu as des retours positifs, tu ressens de la reconnaissance et de la gratitude, » confie Mihiroa.

Une fierté transmise et cultivée

Le taro, Mihiroa l’a vu grandir avant même de le planter. « Nous avons tous grandi dans la culture du taro. Nos week-ends et nos vacances, on les passait ici, » se souvient-elle. Aujourd’hui, c’est cette même fierté qu’elle transmet à sa famille et à ses stagiaires. « De planter un petit plant et de le voir grandir, c’est une satisfaction. La fierté aussi de sortir des produits de la terre, c’est quelque chose d’assez unique, » explique Mihiroa avec authenticité.

Son apprentissage, elle le doit à ses parents : « ils nous montraient les différentes techniques agricoles, surtout pour le taro. Il fallait observer, écouter et faire ce qu’ils disaient. »

Le nom de l’entreprise, Vahine Taro, résume à lui seul son engagement : « Vahine, c’est pour mettre en avant les femmes dans l’agriculture, et Taro parce que c’est ce que je plante. » Et Mihiroa le constate sur le terrain : « les femmes sont plus régulières, plus constantes et elles arrivent à faire le même travail que les hommes.« 

Entre fa’a’apu, foyer et entreprise

Être cheffe d’entreprise et mère de famille n’est pas chose aisée. « Il faut du courage, de la détermination, et savoir organiser son travail entre le fa’a’apu, la comptabilité et la famille. » Mais Mihiroa ne se plaint pas : « Mon mari m’aide quand il peut, surtout les week-ends. J’ai aussi deux stagiaires, » dont Rebecca, une femme à qui elle transmet ce qu’elle a appris.

Rebecca, en formation d’installation agricole au CFPPA, sur les pas de Mihiroa, qui l’a suivie avant elle.

Sa journée commence à l’aube : « À 5 heures du matin. Je prépare le petit-déjeuner et les enfants, je les dépose à l’école, puis je travaille au fa’a’apu. Je récolte, je prépare les commandes, et le soir, je m’occupe de la maison et des enfants avant d’éplucher les taros. » Un rythme soutenu, mais qu’elle vit avec fierté et persévérance.

Formation, transmission et avenir

Formée au CFPPA (Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricoles), Mihiroa met en avant l’importance de la formation agricole : « J’ai appris à gérer une entreprise, à me faire connaître, à vendre mes produits et à travailler avec des supermarchés ou des restaurants. »

Un savoir-faire qu’elle transmet désormais aux jeunes. « J’incite les jeunes. C’est vrai qu’aujourd’hui, c’est difficile, mais il faut vraiment se tourner vers l’agriculture, parce qu’aujourd’hui, la population est vieillissante. Les anciens… il y en a qui tiennent encore, mais après, il n’y aura plus. Qui va prendre leur place ? Il faut bien qu’on soit là et qu’on se prépare à reprendre cette exploitation.« 

Elle n’a aucun regret : « Si demain, on me propose un contrat dans l’administration, je refuse catégoriquement. Aujourd’hui, je suis bien au fa’a’apu et je ne regrette pas du tout mon choix. »

Pour Mihiroa Ariitai, le fenua n’est pas qu’un décor : c’est une promesse de vie. Son entreprise, Vahine Taro, symbolise à la fois le retour aux racines et l’émancipation féminine. Avec ses produits exportés jusqu’en France et à Hawaii, elle prouve que la tradition peut rimer avec ambition : « Oui, mes produits partent en France, partent à Hawaii. Les retours sont très positifs. »

Dernières news

A lire aussi

Activer le son Couper le son