Le système était bien rodé. Dans le courant des années 2023 et 2024, le réseau a importé depuis la Californie plus de 2,5 kilos de méthamphétamine à l’occasion de trois voyages successifs. Des mules étaient dépêchées aux Etats-Unis pour récupérer la drogue auprès d’un contact mexicain avant de revenir en Polynésie.
Mais pour éviter d’être interceptées par les douanes, les mules avaient pour consignes de cacher l’ice sous leur siège, dans l’avion, voire dans les toilettes de l’appareil. L’enquête a donc immédiatement penchée vers une “complicité au niveau des équipages des compagnies”, mais les investigations n’ont pas permis d’identifier “une personne précise”.
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Le subterfuge aurait pu durer longtemps si l’une des mules ne s’était pas montrée imprudente. A son arrivée à l’aéroport de Faa’a, 57 grammes de méthamphétamine, dissimulés dans une chaussette, ont été découverts dans ses bagages.
Un simple “oubli”, selon elle, mais qui a permis de faire tomber l’ensemble du réseau. 844 grammes d’ice supplémentaires ont été retrouvés peu après dans les toilettes de l’avion qu’elle venait de prendre.
A la barre, ce mardi, tous les mis en cause ont reconnu les faits. Dont les deux hommes à la tête du trafic. Des détenus de Tatutu : Iotua T., dit “Dragon” et Poutoru A., tous deux déjà condamnés dans plusieurs dossiers de stupéfiants. Ils se sont connus derrière les barreaux et c’est depuis leur cellule qu’ils dirigeaient le réseau grâce à un téléphone portable via lequel ils donnaient leurs directives à leurs hommes et femmes de main.
“C’est moi qui ai manipulé la plupart des personnes de ce trafic”, a lâché “Dragon”, larges épaules et tatouages dans le cou. Présenté comme un “boss” au centre de détention, l’homme, notamment condamné dans le dossier du “Liberty”, a refusé d’endosser ce costume, assurant être “le plus gentil de la prison”.
Quant à Poutoru A, qui purge actuellement 2 peines de 6 ans de prison ferme, il s’est livré à un long mea-culpa face aux juges. “Je regrette vraiment d’avoir fait tout ça. Vu le nombre d’années que j’ai passées en prison, ça n’en valait pas la peine (…) Je veux continuer à travailler sur moi pour préparer ma réinsertion (…) Il n’est jamais trop tard pour changer. J’ai eu un fils et je ne souhaite vraiment pas qu’il tombe là-dedans un jour”, a-t-il dit.
Dans ses réquisitions, la procureure a déploré la hausse des saisies de méthamphétamine sur le territoire ces derniers mois : déjà 28 kilos depuis le début de l’année, contre 9 pour l’ensemble de 2024.
“C’est un trafic extrêmement lucratif qui nécessite une réponse ferme”, a martelé la magistrate. Ciblant “Dragon”, celle-ci a regretté que l’incarcération n’ait pas mis “fin à ses activités”. “Il dirige son trafic depuis la prison. On va se poser la question de savoir s’il va purger sa peine en Polynésie. Ce sera difficile pour lui de diriger son trafic depuis la métropole”, a-t-elle souligné avant de requérir 9 années de prison ferme à son encontre.
Pour ce qui est de Poutoru A., la procureure a réclamé 10 années ferme : “Il faut être cohérent. Il purge déjà 2 peines de 6 ans”.
Un message reçu par le tribunal correctionnel qui est même allé au-delà des demandes du parquet. Poutoru A. a été condamné à 12 années de détention et “Dragon” à 10 ans. Les 5 autres prévenus ont écopé de peines comprises entre 2 et 5 ans ferme, avec mandat de dépôt pour ceux qui étaient arrivés libres à l’audience. Les 2 cerveaux du trafic devront aussi payer une amende solidaire d’un montant de 250 millions de francs.
A noter qu’un incident est survenu au cours de l’audience. Le petit ami de l’une des prévenues a été surpris en train de filmer les réquisitions de la procureure, ce qui est formellement interdit. Son téléphone a été saisi et l’homme a été placé en garde à vue.