Après-midi classique ce lundi en audiences de comparution immédiate, au tribunal correctionnel de Papeete, où les dossiers de violences s’empilent sur les bureaux des magistrats. Toutes les semaines, des femmes et des hommes, jeunes comme vieux, se succèdent à la barre. Parfois, ce sont des visages bien connus.
Devant les juges, StayFocus, influenceur de 37 ans, n’est pas fier. Vendredi dernier, après avoir bu du rhum chez lui, il déambule à Papeete, dans un état second. Près du marché, il croise un autre homme, pas beaucoup plus frais que lui. Celui-ci ne répond pas aux salutations de l’influenceur. Pire, il le « regarde mal » . Alors, Stayfocus lui assène un coup de poing au visage, et s’en va, laissant l’homme inanimé au sol.
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Le bruit de la chute alerte deux témoins, qui prennent la victime en charge et appellent secours et police. Pendant ce temps, Stayfocus semble avoir un cas de conscience. « C’est après que je me suis soucié de son état. Quand je suis revenu. Il y avait déjà les policiers » . Les forces de l’ordre, en effet, l’identifient immédiatement à son retour sur les lieux, et l’interpellent. Le test d’alcoolémie affiche 1,11 mg d’alcool par litre d’air expiré. Trop ivre pour être entendu, il présente un taux de 0,25 mg/l à 13h30… le lendemain.
La présidente du tribunal s’interroge : « Ça fait penser à de la violence gratuite. Pourquoi vous avez autant bu ? » . « Parce que c’était vendredi, je voulais sortir (…) Je suis sincèrement désolé. Là, j’ai montré le mauvais exemple » , répond-il. Le bon exemple, argumente-t-il, c’est quand il prônait le respect après le combat de MMA contre son homologue de Moorea, Scanos, il y a quatre mois. Un clash largement teinté de moqueries sur Tiktok ou Facebook, qui avait fait le bonheur de certains comptes sans scrupules.
Les followers payent la bouteille
Car derrière les rires virtuels de la communauté, il y a la situation réelle de StayFocus, dont le parcours judiciaire traduit la précarité. Sans emploi, il vit dans la maison familiale. Sorti de Nuutania en mai 2024, il a déjà été condamné sept fois, notamment pour des faits de violences aggravées, en novembre 2023, pour lesquelles il avait écopé de 12 mois de prison – dont six avec un sursis probatoire de deux ans.
Son influence en ligne ne lui rapporte presque rien financièrement. Quelques casse-croûte, de quoi fumer, et surtout de quoi boire. « Ce n’est pas moi qui paye mon alcool. Ce sont mes followers », explique-t-il. « Ce sont eux qui filment pour avoir des dédicaces à la sœur, la grand-mère, la maman. Je fais des vidéos pour avoir des vues, des likes (…) c’est juste pour influencer ». Et d’ajouter, comme pour s’excuser : « Je veux pas être payé. Je veux donner des conseils aux followers ».
Sauf que lui aussi a besoin de conseils, selon la justice. Suivi par les services de probations, il n’a consulté son psychiatre que trois fois, faute de moyens, et ne s’est jamais rendu au CPSA pour soigner son addiction à l’alcool.
Pour le procureur, les faits sont « totalement inexpliqués ». « Une personne sensée passe son chemin. S’il n’a pas fait demi-tour, c’est qu’il est sûr de sa force (…) c’est quelqu’un de violent » , déclare-t-il. Il requiert 18 mois de prison avec mandat de dépôt.
Avocat de StayFocus, Me Tefan assure qu’il n’est en rien un « athlète de haut niveau » , mais bien un influenceur en proie à de gros problèmes de consommation d’alcool.
Le tribunal l’a finalement condamné à 18 mois de prison, auxquels s’ajoutent six mois de sursis révoqué, soit 24 mois au total.
