La victime n’était pas présente à l’audience du tribunal correctionnel. Traumatisée par ce qu’elle a vécu, elle a décidé de quitter la Polynésie pour entamer une nouvelle vie.
En février 2024, son voisin s’était introduit de nuit dans la cour de sa maison à Papara pour lui réclamer une fellation. Tétanisée par cette soudaine apparition, elle avait obtempéré. L’homme avait ensuite sorti son téléphone portable pour immortaliser l’acte, malgré les pleurs de la victime qui a tenté, tant bien que mal, de masquer son visage sur les images.
“J’avais très peur. Il m’a dit de la faire, mais je ne voulais pas (…) Il m’a dit : ‘mange et profite’. Lorsqu’il me filmait, il m’appuyait sur la tête”, a déclaré la victime, un jeune raerae, lors de son témoignage devant les gendarmes.
En concubinage et père de 3 enfants, le mis en cause a été décrit par les experts comme étant doté d’une “intelligence normale très restreinte” et d’un “sens moral incertain”. En garde à vue, il avait reconnu les faits, déclarant “avoir envie de -se- faire sucer par un raerae”.
“Ma cliente a été victime d’un viol correctionnalisé. Mais cela reste un acte de pénétration. Ce n’est pas anodin”, a relevé l’avocate de la partie civile, Me Kari lee Armour-Lazzari, “il l’avait guettée depuis plusieurs jours car sa femme était hospitalisée à l’époque. Ma cliente est traumatisée. On est un an et demi plus tard, mais elle ne s’en est toujours pas remise”.
Le procureur Michel Mazars s’est, lui, attardé sur l’identité sexuelle de la victime. “On insiste sur le fait qu’ils font partie de la culture locale, mais ce n’est pas simple d’être un raerae. Il craint la réaction de son père et les regards. Il craint de se retrouver dans la posture du tentateur (…) Le prévenu lui a imposé cet acte sexuel parce que c’est un raerae. C’est un élément essentiel de ce dossier. Dans son imaginaire, le raerae est forcément consentant”, a asséné le représentant du parquet.
“Sur le plan matériel, c’est effectivement un viol”, a encore lancé le procureur avant de révéler que l’exploitation du téléphone du prévenu avait mis au jour son “habitude de prendre des photos volées de jeunes femmes”: “À l’évidence, il y a une dangerosité criminologique”.
Un profil de prédateur écarté par l’avocate de l’intéressé, Me Hina Lavoye. “Ce n’était pas prémédité. Il ne la menace pas et elle ne lui dit pas non. Avec son intelligence limitée, pour lui, elle est d’accord. Il était dans sa vision primaire. Il a besoin de soins pour intégrer certains interdits”, a-t-elle plaidé.
Après de courtes délibérations, le tribunal est allé légèrement au-delà des réquisitions du procureur, en condamnant l’homme à 5 ans de prison, dont une année assortie du sursis, avec une obligation de soins.
Il devra aussi verser 1,5 million de francs de dommages et intérêts à la plaignante et sera inscrit au Fichier national des auteurs d’infractions sexuelles. Déjà incarcéré pour ce dossier, il a été reconduit dans sa cellule à l’issue de l’audience.