Deux ans. C’est le temps qu’il a fallu pour préparer une première inédite dans l’histoire de l’équitation locale : l’affrètement d’un avion-cargo pour rapatrier 24 chevaux de compétition de Nouvelle-Zélande vers Tahiti.
« Après le Covid, la Nouvelle-Zélande a pris la décision assez radicale de bloquer l’exportation de ses chevaux par bateau et c’était notre seul moyen de les faire venir jusque-là et la moins onéreuse puisque c’était l’île la plus proche » précise le directeur technique de la Fédération tahitienne d’équitation (FTE), Antonin Mianne. « Il a fallu réfléchir à un autre projet et cette idée un peu folle de faire un cargo entier rempli de chevaux nous est venue. »
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Pour les professionnels du secteur, le maintien du cheptel et le développement de la compétition en dépend. Car si les chevaux locaux de l’hippodrome de Pirae sont solides et endurants, leur gabarit reste limité pour la compétition. Et les étalons importés des écuries néo-zélandaises dans les années 2000 arrivent en fin de carrière. C’est le cas de Lola. Arrivée au fenua il y a 19 ans, cette jument s’apprête à prendre sa retraite après avoir porté toute une génération de cavaliers.
« Lola fait 1,63 mètre, presque 25 centimètres de plus que les chevaux locaux, et pèse près de 500 kilos », ajoute Antonin Mianne. « Elle peut servir à tout type de cavalier et pratiquer de nombreuses disciplines. » Pour la remplacer, pas d’autre choix que l’importation. Car l’élevage local se heurte à de nombreuses contraintes. Comme le manque de vétérinaires équins, l’absence d’inséminateurs pour les suivis de grossesse et poulinages, ou encore le manque d’espace.
« On estime qu’il faut au minimum un hectare par cheval », explique Antonin Mianne. «Ils ont besoin de pâturage, ils ont besoin de place, ils ont besoin d’un suivi vétérinaire et ce sont toutes ces choses que l’on n’a pas en Polynésie. »
Des pâturages de qualité, les animaux en ont en Nouvelle-Zélande, réputée pour l’élevage de chevaux, comme les pur-sang de course, les étalons de sport ou de compétition. Des équidés plus grands et plus puissants, issus de croisements spécialement élevés pour le saut d’obstacles et le dressage.
« La qualité physique d’un cheval néo-zélandais se voit immédiatement, poursuit Antonin Mianne. Ce sont des chevaux plus grands, souvent un peu plus de 1,60 mètre au garrot, très musculeux, issus de croisements pour la compétition. Ils ont ce qu’on appelle ‘du sang’, c’est-à-dire de l’énergie et du power pour participer aux concours dans de bonnes conditions. »
Trois semaines de prospection au pays du long nuage blanc auront permis de faire une sélection exigeante. Il s’agit de choisir des équidés adaptés à deux publics. D’un côté, les clubs, pour l’enseignement des plus jeunes. De l’autre, les propriétaires, désireux d’élever le niveau en compétition. « L’objectif était d’apporter de la diversité et du gabarit. Les chevaux néo-zélandais, souvent croisés avec des lignées européennes, sont mieux préparés pour le saut d’obstacles », précise Antonin Mianne.
Une logistique complexe et un suivi strict
Le défi logistique est de taille. Les 24 chevaux voyageront par lots de trois dans des caisses aménagées, accompagnés par des soigneurs spécialisés pour surveiller leur alimentation, leur sérénité et intervenir en cas de problème. A l’issue de cinq heures de vol, un protocole strict les attend à l’arrivée : inspection sanitaire, quarantaine à l’hippodrome, suivi vétérinaire.
« C’est une première pour nous et pour l’aéroport de Faa’a tout le monde s’est mobilisé, souligne Antonin Mianne. À l’arrivée, les chevaux sont vérifiés par la biosécurité polynésienne et suivis par un vétérinaire pendant trois semaines pour s’assurer de leur acclimatation. »
Mais l’opération a un coût : 22 millions de francs rien que pour l’affrètement de l’appareil. Avec l’aide du Pays, de l’Etat et même de l’Europe, la fédération a pu réunir 15 millions de francs de subventions. Une enveloppe que des propriétaires de chevaux ont complétée sur fonds propres.
« J’ai décidé de profiter de cette occasion extraordinaire pour choisir un second cheval, raconte Anne-Claire Pina, propriétaire. Joe, mon cheval de Nouvelle-Zélande, reste dans mon écurie, et j’accueillerai bientôt une jeune jument plus adaptée aux compétitions. »
Pour les clubs, le dispositif représente un soutien vital. « Ça nous a coûté cher, mais sans l’aide de la Fédération pour cet événement, nous n’aurions jamais pu, confie le gérant de l’Éperon de Tahiti, Raphaël Mérel. Un cheval nécessite un suivi quotidien et ça coûte cher : il faut le sortir, le nourrir cinq fois par jour et entretenir sa litière. »
L’arrivée de ces nouveaux chevaux doit aussi permettre d’offrir aux jeunes cavaliers des montures qui correspond à leur besoin. « On ne se limite pas aux chevaux de grande taille pour la compétition, précise Antonin Mianne. Nous importons aussi des poneys et des chevaux de club pour les écoles, afin que chaque cavalier, quel que soit son niveau, puisse évoluer sur des montures adaptées. »