Rachel Moutame, Vahine authentique, coup de cœur qui casse les codes

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Elle est le coup de cœur de l'édition 2025 de Miss Tahiti, à tel point qu'un prix a été créé spécialement pour elle. Mais son aura dépasse les frontières du concours. Rachel Moutame casse les codes. Authentique et proche de la nature, elle partage sa vie sur les réseaux sociaux, de son amour pour les beignets au grimper de cocotier. Portrait d'une vahine ancrée dans son fenua :

C’est à Raiatea, sur l’île sacrée, que Rachel voit le jour. Mais lorsqu’elle a 5 ans tout bascule : elle est emmenée par les services sociaux dans une nouvelle famille, sur une autre ile, Moorea. Un épisode bouleversant qui a marqué l’enfant qu’elle était : « Du jour au lendemain, ils débarquent, ils prennent mes affaires, ils me prennent, ils me portent limite comme un sac. Et ils passent la porte en disant à mon père « laisse, on s’occupe de ça maintenant, t’as plus besoin de t’occuper d’elle ». Et là, mon papa qui criait ‘Rachel, débats-toi, cours, ne reste pas là, ils vont t’enlever’. C’était quand même choquant. Pourquoi on ne m’a pas expliqué ? J’ai pleuré, c’était vraiment un moment marquant et horrible pour moi. Et mon papa était âgé, très âgé, il ne pouvait pas se déplacer, il se déplaçait en fauteuil roulant. Ce jour-là, il s’est levé de son fauteuil roulant juste pour essayer de me retenir. »

Une fois à Moorea, Rachel se fait rapidement à sa nouvelle vie. Ses parents adoptifs, âgés d’une cinquantaine d’années à ce moment-là, sont stricts. Chez eux, « pas de manière ». Les tâches ménagères doivent être faites, quoi qu’il arrive. Sans quoi, la punition est inévitable. « C’était radical, on va dire. »

 

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Son père adoptif *, un Américain installé au fenua depuis plusieurs décennies, fabrique des pirogues de pêche en fibre de verre. Sa mère s’occupe du foyer. Avec lui, elle apprend l’anglais, avec elle le reo Tahiti, mais pas seulement : « Elle sait tout faire, de la pêche au fa’a’apu, au tressage, à la cuisine, tout, tout, tout. C’est elle qui m’a appris tout ça. Je sais planter, je sais cultiver, je sais occuper des animaux, je sais pêcher, je sais tout faire grâce à elle. En gros, c’est elle qui m’a tout transmis. »

À l’école, c’est un peu plus compliqué. « C’était difficile parce que j’avais le côté famille à gérer, se souvient-elle. J’avais toujours mes tâches ménagères à faire. C’étaient d’abord les tâches ménagères et après les devoirs. Du coup, je faisais mes devoirs vers 22 heures quand même. »

Mais Rachel tient à être diplômée. « Autour de moi, parmi les enfants adoptés via les services sociaux, il n’y en a pas beaucoup qui ont eu leur bac. Donc moi, j’ai essayé de pousser jusqu’au bac et j’ai choisi le bac techno parce que pour moi, c’était un peu plus facile que le bac général. »

À l’époque, elle veut à tout prix entrer dans l’armée. Elle le dit, son éducation stricte l’a formatée à exécuter des ordres. Mais Rachel ne souhaite pas commencer en bas de l’échelle. Elle choisit donc de poursuivre ses études durant deux ans et obtient un BTS en négociation et relation client.

Mais un accident l’empêche de s’engager. Blessée aux genoux, elle prend une année pour se rétablir, avant de retenter sa chance à l’armée. « Mais au moment où je suis partie faire mes papiers pour l’armée, je suis tombée d’un tumu uru. Du coup, j’ai eu mon bras fracturé. »

Elle finit par abandonner son rêve d’uniforme et obtient un CVD dans l’association Te Mana O Te Moana. Bien loin de sa formation, mais proche de la nature. L’année suivante, elle travaille dans le tourisme. Sa maitrise de la langue tahitienne et de l’anglais est un atout. « Je vendais du rêve à des touristes et j’expliquais pourquoi il fallait faire telles activités, ce qu’ils allaient voir. Il y avait les montagnes, la mer, les animaux. J’aimais beaucoup. »

« je me suis dit, on va apporter la culture, on va amener quelque chose de totalement différent. »

C’est son désir de « quitter le nid » pour s’installer avec son compagnon qui la pousse à rechercher un autre emploi à Tahiti. Elle change alors complètement d’univers. Rachel est recrutée et formée par un dentiste dont elle devient l’assistante. Un travail dans lequel elle s’épanouit.

Et cette année, elle s’attaque à un autre projet : l’aventure Miss Tahiti. Petite, comme beaucoup, Rachel regardait chaque année à la télévision les candidates défiler. « On se dit, un jour j’aimerais aussi briller comme ces filles ». Elle attend ses 29 ans pour se présenter, poussée par son compagnon.

Rachel se lance dans l’aventure avec un objectif : montrer une autre facette du mythe de la vahine. « Représenter les valeurs, la culture. (…) Quand j’ai débarqué, entourée de toutes ces beautés, je me suis dis, qu’est-ce que je fais là au niveau beauté ? Je ne vais pas réussir à rivaliser. Du coup, je me suis dit, on va apporter la culture, on va amener quelque chose de totalement différent. »

Et ce quelque chose fonctionne, plus qu’elle ne l’aurait espéré. Son naturel étonne, son amour de la culture et de la nature séduit et fédère une solide communauté. Le nombre de ses fans augmente à vue d’œil avec en tête nul autre que le président du Pays Moetai Brotherson. « Quand je voyais les likes et les commentaires qu’ils mettaient, j’étais impressionnée. J’étais là, attends, ce n’est pas un faux compte ? Du coup, je réagis quand même au cas où. Je n’osais pas lui répondre parce que je ne savais pas quoi dire. C’est quand même le président, ce n’est pas n’importe qui. Et après, je me suis dit, bon allez hop, on fait une vidéo pour le remercier. »

Pour Rachel, la culture et la langue sont importantes : « Pour moi, une Miss, si elle représente Tahiti, si elle représente la culture, pour moi, elle doit parler tahitien ou avoir des bases ou des notions tahitiennes ou comprendre. »

Aujourd’hui, presque deux mois après l’élection, la popularité de Rachel ne cesse de croitre. La jeune femme est partout : sur scène pour un défilé de mode, en cosplay à l’avant-première d’un film, à l’affiche d’un salon de l’agriculture ou en photos pour une marque de vêtements. Des choses qu’elles n’auraient jamais pensé faire avant. Rachel ressort grandie de son aventure dans l’univers des Miss. Plus en phase avec son corps et plus affirmée. Elle souhaite maintenant utiliser sa popularité pour sensibiliser. Parmi ses nombreux projets, la promotion de la santé buccodentaire.

Proche de la Miss Tahiti en titre Hinaupoko Devèze, Rachel a bien l’intention d’utiliser aussi sa popularité pour soutenir son amie dans la suite de l’aventure.

*Très malade au moment de notre interview avec Rachel, son père adoptif est décédé. Il avait 84 ans.

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