La peau de poissons, nouveau terrain de jeu de l’artiste Haamouraa Lesca

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Elle était présente au salon des jeunes artisans créateurs avec des œuvres insolites. En plus de la pierre, du bois, de la nacre, Hedwich Haamouraa Lesca, 25 ans, travaille depuis quelques mois le cuir de poisson. Elle la sublime grâce à des teintures pour l’incorporer à ses créations. Portrait :

« Depuis toute petite, j’ai toujours aimé faire des choses avec mes mains. » Pas de peintre, de sculpteur ou de bijoutiers dans sa famille. Hedwich Haamouraa Lesca est artiste dans l’âme. Elle grandit à Papara, proche de la nature, et passe ses vacances à Fakarava d’où sa famille est originaire.

Après une école de commerce, elle revient à son essence. « J’ai entendu parler du Centre des métiers d’art, que je ne connaissais pas avant. Une fois inscrite, je me suis épanouie dans ce que je faisais. Pendant deux ans, j’ai touché à tout au niveau peinture, au niveau dessin. On a fait aussi de l’histoire de l’art polynésien. Donc, du coup, ça m’a ouvert au niveau de la culture aussi. (…) J’ai pris l’option gravure. J’ai travaillé principalement la nacre. Et en sortant, en 2022, j’avais envie de toucher à tout, à toutes les matières. On a tellement de belles matières ici, une diversité de bois qui est incroyable. »

Une fois diplômée, la jeune femme se lance à son compte. Puis, l’année dernière, en 2024, elle croise la route de Phil Cristo, sculpteur des Marquises. Il l’invite à venir se former sur son ile Hiva Oa. « Ce que j’ai particulièrement aimé, c’est que tu entends la matière quand tu la travailles. Tu sens quand elle se craquelle. Ce n’est pas du tout le même rapport avec la matière. Et ça m’a donné envie de vraiment développer ce côté-là. (…) On a beaucoup, beaucoup de matières différentes au fenua. On a presque plus de 80 essences de bois uniquement locales. On a aussi des pierres. »

« On a beaucoup de matières différentes au fenua »

Sa passion pour la découverte des matières ne s’arrête pas là. Il y a quelques mois, son intérêt se porte sur toute autre chose… « Depuis petite, on mange du poisson chez moi. (…) Et j’ai toujours vu mon papi jeter les peaux ou s’en servir d’appât. Je me suis dit que ça pourrait être bien de faire quelque chose de cette matière. Ailleurs, ils font des sacs, ils font de la maroquinerie avec le cuir de poissons. On a une diversité de beaux poissons, très colorés. Je me suis dit qu’on pouvait faire du cuir de poissons. Il n’y a pas longtemps, j’ai découvert qu’en 2018, il y avait un couple qui s’était lancé justement sur le cuir de poissons. Et depuis, on n’a plus vraiment entendu parler d’eux. »

Haamouraa teste plusieurs techniques de tannage, sur plusieurs types de poissons. « Au début, c’est un peu contraignant avec l’odeur, tout ce qui est nettoyage. » Elle gratte, trempe, étire, sèche et hydrate les peaux jusqu’à trouver la recette parfaite. Le résultat est bluffant. À ce cuir des lagons, elle ajoute des pigments et révèle le graphisme naturel. « Il y a les petits poissons aussi où c’est très graphique au niveau des écailles. On voit bien la forme. (…) En fonction du poisson, la forme des écailles change, donc, ça change l’aspect et l’esthétique de la peau. »

Elle réalise des bijoux mêlant bois, gravures, et parfois nacre. Mais pas seulement : le cuir de poisson se retrouve peu à peu dans toutes ses créations, des stylos aux vases. « Par exemple, j’ai fait un vase avec la texture du corail. Sur le dessus, j’ai fait un capuchon avec du cuir de poisson. »

Sa matière première vient de son ile Fakarava. Mais Haamouraa espère bien travailler avec des pêcheurs de Tahiti. Ce qui pour ces marins est un déchet, est un trésor pour elle.

Haamouraa déborde d’idées et l’océan n’a pas fini de l’inspirer : « Avec cette matière, mes possibilités continuent de s’élargir. Je n’ai pas fini de créer. »

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